Interview with kobi lighting studio’s Founder – by Vincent Ricouleau
Jonathan, on se connait depuis quelques années. Nous avons organisé le Grand Débat Apolitique au Vietnam ensemble. Plus, de nombreuses conférences de veille juridique et nous ne manquerons pas d’en prévoir de très nombreuses pour les citoyens français expatriés. D’ailleurs, nous avions prévu de faire une veille juridique sur le droit de la lumière et le droit à la lumière et celle-ci est reportée à cause du coronavirus, notamment.
Question: En quelques mots, qui es-tu, que fais-tu et quels projets as-tu ?
Jonathan:
Simple et complexe de se présenter. J’ai 32 ans, je suis français, de mère d’origine vietnamienne. J’ai créé Kobi Lighting Studio, il y a 3 ans à Saigon. De toute pièce. De A à Z. Sans réseau, tout seul. Kobi est une société spécialisée dans le design et l’ingénierie de la lumière qui se développe très vite tant au Vietnam qu’au Cambodge. Pour le moment, j’ai une douzaine d’employés, ingénieurs, designers, de toutes les nationalités. Kobi Lighting Studio commence à s’imposer sur ce marché de niche.
Question: On va aller droit au but. Entrepreneur à Saigon, en pleine épidémie ? Facile ?
Jonathan:
En temps normal, c’est la précarité, le stress, des chantiers partout, à conduire, des clients à prospecter, à rappeler pour le paiement, des contrats à rédiger, des heures à passer à recruter. Depuis le virus, il y a la sœur jumelle de la précarité, l’incertitude. Tenir, coûte que coûte, sans licencier, car c’est très difficile de recruter dans mon domaine, faire face à la concurrence, d’une sauvagerie sans nom et encore une fois, survivre. Mon équipe est exceptionnelle, je dois tout faire pour la conserver. Sans effectifs, rien ne tourne. Garder une trésorerie, pouvoir payer son personnel et ses charges fixes, c’est mon obsession, mais je vais réussir.
Question: Et demain ?
Jonathan:
Demain ou dans une minute, nul ne sait ce qui peut arriver. Le virus est en plein développement. Confinement, quarantaine, restrictions des déplacements et psychose, tous les réseaux sociaux amplifient peut-être, mais une chose est certaine, il y aura un avant et un après le coronavirus. Déjà, la bourse s’effondre, le prix du pétrole baisse, l’usine du monde qu’est la Chine est paralysée, comme les transports maritimes, aériens, terrestres, ferroviaires. On voit aussi la capacité hospitalière de chaque pays atteint. Les inégalités criantes. Les menaces sur les libertés individuelles et politiques.
Question: Alors c’est le chaos ?
Jonathan:
Ce sera la mort de quantité de PME si la pandémie n’est pas stoppée. Sur un chantier, l’approvisionnement est décisif.
Question: Michel Foucher, géographe et ancien ambassadeur, auteur du livre « les Frontières » aux éditions CNRS parle d’une mondialisation plus régionalisée, conséquence de la pandémie. Vrai ?
Jonathan:
Aucune idée. C’est bien tôt pour se prononcer. Sauf que l’interdépendance des pays apparait dans toute sa splendeur, et c’est cela la vraie mondialisation, tout le monde dépend de tout le monde. La Chine démontre son rôle incontournable, étant un pays gigantesque. La construction en dix jours de l’hôpital Huoshenhan à Wuhan dans la province de Hubei a impressionné tout le monde. Mais quel matériel médical a l’hôpital ? Tout est à plusieurs vitesses, en fonction du lieu. Il n’y a pas une Asie mais des Asies. Je constate l’hétérogénéité des moyens de lutte contre la pandémie, et on prie pour que l’Afrique ne soit pas atteinte.
Question: Tu as passé un Master 2 de droit international de l’environnement en 2018, à distance, à la faculté de droit de Limoges, alors que tu étais aux commandes de ta très jeune société en plein développement. Ton mémoire de recherche portait sur « les enjeux juridiques du Mékong au regard du droit international de l’environnement ». Ce mémoire a été d’ailleurs très bien noté par ta directrice, la professeur de droit Jessica Makowiak.
Jonathan:
Cela a nécessité un effort important. La journée, à développer mon entreprise, le soir et le week-end à faire les recherches. Oui, en effet, ce mémoire a révolutionné ma vie. Ingénieur en environnement de formation, passé par Dauphine ensuite, ce M2 m’a permis vraiment de comprendre le droit international. Il faut d’ailleurs publier ce mémoire qui retrace vraiment tous les enjeux incroyables du Mékong. L’évolution de ce fleuve, décisif, est quasi méconnue.
Question: Comment utiliser ces connaissances ici au Vietnam ? Utiles ?
Jonathan:
Quotidiennement ! Mon métier est transversal, je peux aussi bien équiper en lumières la concession Porche de Saigon comme en ce moment, que des hôtels, des entreprises, des bureaux, des bâtiments publics et tout cela, en respectant le droit de l’environnement et le droit de la santé. La transition écologique, thème dont j’avais la charge lors du grand débat national au Vietnam et je précise, apolitique, est passionnante. Et j’essaie d’appliquer une charte éthique, de l’environnement à travers la RSE, tout comme mes employés.
Question: Qu’est-ce qui te choque le plus ?
Jonathan:
Je pense aux réfugiés, entassés dans des camps. J’ai étudié dans mon mémoire le sort des réfugiés climatiques, mais un réfugié est un réfugié, peu importe la cause, il faut les aider. Si le virus les atteint, qui les soignera ? Ce sera une hécatombe.
Question: Nous avions écrit ensemble un article sur les enjeux juridiques sur la route de la soie, article dont je mets le lien plus bas. Si tu devais réécrire cet article, que changerais-tu ?
Jonathan:
Oui, article passionnant que je modifierais en intégrant l’aspect sanitaire. Comment prendre en compte ce phénoménal va-et-vient de personnes et de marchandises, lorsque cette route de la soie fonctionnera ? Mais une chose est certaine, plus que jamais, il faudra imposer le respect de l’environnement. Droit de l’environnement et droit international de la santé sont indissociables. Mais comment contraindre des pays aussi outsiders que la Chine ?
Question: Alors, la politique ?
Jonathan:
Les élections de conseiller des Français à l’étranger ont été repoussées compte tenu de la pandémie. Espérons que tout le monde viendra voter lorsque ce sera le moment. Je suis tête de liste d’une liste indépendante, publiée sur le site du consulat de France à Saigon. Pour le moment, le programme est en cours de discussion. Une autre interview, Vincent, quand le programme sera prêt et que la campagne sera ouverte ? Parce que nos aurons vraiment besoin de nous faire connaître et d’expliquer nos positions.